Peindre l'aube

J’ai rencontré Florian qui est parti sur une autre planète. 

Une chance qu’il reste des gens pour inventer le futur parce qu’à fixer le présent, ce matin, je tombais à plat: 

Wow. 

       La ville, 

               les gens 

  seuls 

dans leurs chars, 

même ici, en Europe, à Genève.

 

Les gens qui se lèvent à 5h00 du matin pour être dans l’auto à 6, pour skipper le traffic qui nous retrouve toujours. 

Une heure de voyagement d’une maison idyllique, loin du centre urbain, pour se rendre jusqu’au travail qui permet de se payer cette maison idyllique, loin du centre urbain. 

Oups. Mes lunettes sont sales ce matin. Laissez-moi leur passer un coup de chiffon. Ah! 

 

Moi aussi depuis quelque temps je vis sur une autre planète. 

- Et vous arrivez à en vivre? (c'est une des premières questions que me demandent les conducteurs qui me prennent en stop à qui je dis être musicienne en tournée un peu partout) 

- Vous voyez bien ma limousine et mes gardes du corps, que je leur réponds en embarquant dans leur auto. 

 

N’empêche qu’il faut se garder près du rêve pour vivre dans le déni de tout le laid qu’on voudrait me faire avaler au nom de la Vérité et de la Raison: 

Comment peux-tu vivre avec tant d'insouciance quand ... se passe en/à/au ...? 

 

Ça me rattrape surtout quand j’arrive en ville. Et là je comprends: 

Douce dérive. Tranquillement mais sûrement, mes vérités ont changé:

Je ne suis plus obligée de… pour…  

J'en suis à accepter que quand je fais ce qui me plaît, tout s'aligne autour. Certain(e)s disent Chance, moi je préfère Magie. 

Normal que ça me choque autant de revenir dans un engrenage  d'ouvrier(e)s. 

Une chance qu’il y a encore les oiseaux, les vignes qui grimpent sur les murs.  UNE CHANCE que ça me choque! 

Ça me met une évidence en plein nez : je vis déjà ailleurs, la plupart du temps. 

Ouf. 

Soulagement. 

 

Je repense à l’acroyoga dans l’herbe avec Aurore. À nos soirées de gumboot improvisées. À toutes les nouvelles idées que j’ai eues ces derniers mois. À ces rêveurs qui traversent l’océan en voilier pour jouer du jazz d’un port à l’autre. Au jeu qui donne envie au cerveau de penser, qui donne envie de faire pour s’amuser. 

Faut-il s’acharner à travailler quand on pourrait cultiver ce désir qui nous donne intrinsèquement de l’énergie pour plancher sur ce qui nous anime? 

Cultiver l’inspiration qui nous porte quand on crée. L’inspiration, ce levier qui fait passer les heures en coup de vent, qui nous remplit même en s'écoulant, plus on l’écoule plus on apprend. Et plus on l’apprend, plus on la veut, parce qu’avoir sa puissance créatrice avec soi, ça rapetisse les murs ou ça nous rend géante. 

Je respire un grand coup. 

Oui, je me couche à 10:30, et alors? C’est qu’il me faut toute la nuit pour peindre l’aube.

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