29.10.2022

Cévennes, France
Edwige, tu ne m’as pas plu, exhalant ta bouffée de fumée à tous vents, le pouce tendu nonchalamment sur le bord de la route. Moi-même autostoppeuse, je n’ai pas eu envie de m’arrêter pour te ramasser.

J’ai senti ma conductrice hésiter.
J’ai dit:  “Non elle ne me plaît pas. Elle fume la cigarette…Je n’aime pas comment elle est habillée…”

Elle me répond: “Ça ne veut rien dire ça, même la façon dont les gens s’habillent, ce n’est que pour masquer qui ils sont vraiment.”

Alors les 5 minutes qui ont suivi, je me suis sentie coupable. J’observais avec horreur mes propres jugements, mon manque de générosité, mon mépris. Moi-même autostoppeuse, je n’ai pas voulu m’arrêter pour toi. Partager la ride, partager le lift. J’ai eu peur que tu prennes toute la place avec ton odeur et tes histoires. Je n’ai pas eu envie d’être inconfortable.

La conversation avec ma conductrice a dérivé sur autre chose, j’en ai profité pour lui faire une belle leçon d’humilité sur les jugements qu’elle entretenait sur ses voisins qui ne l’aidaient pas à couper son bois ou à monter ses meubles alors que, manifestement, elle était en difficulté. Je lui ai fait remarquer qu’elle ne leur avait pas partagé ses besoins et que peut-être ils avaient peur d’être pris pour des machos, par exemple, s’ils l’aidaient… J’entends Florian me dire: “ On ne sait même plus si on peut tenir la porte, avec le féminisme, ces jours-ci….”

Elle me dépose à son village, notablement touchée par cette réflexion.

Je marche jusqu’à la sortie du village, et je tends le pouce pour continuer ma route.

Un vieux camper stationné à côté me klaxonne.
Une femme me crie du parking:

– Hey! Ouhou!! Tu vas où?

C’est elle, Edwige, dans ses joggings noirs, la clope au bec.

….

J’ai terminé mon bout de chemin jusqu’à Aniane entre Edwige et son pote, deux bouffées de clope et trois gorgées de vin.

Merci la vie.