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Trouve-toit // 1ere partie : Atterrissage

Trouve-toit est une mini-série écrite par Sophie Bijjani, qui retrace ses aventures en quête de sens, de repos et de repères dans la vallée de la Roya, en France. À travers ces fragments, Sophie partage les moments de doute, d’émerveillement, et de transition qui ont marqué son voyage, à la fois intérieur et extérieur. Plongez dans ses réflexions sincères, ses observations des lieux et des personnes qu’elle rencontre, et sa quête d’ancrage dans un monde en perpétuel mouvement.

Première partie : Atterrissage

27 octobre 2024 – J25

Pitié, un atterrissage!

Aujourd’hui la Roya se remet des pluies “alerte orange” qui ont causé l’annulation du stage pour lequel j’ai suivi June jusqu’ici.

Le soleil est beau et fort et moi, je contraste, toute brumeuse que je suis. Même la douce brise ne suffit pas à dissiper les nuages qui encombrent ma tête. La nature ici est paisible et généreuse, elle accueille l’automne avec une sérénité que je lui envie. Je suis tornade, prise dans un corps qui refuse de pleurer. Anxiété, quand tu me tiens…

En revenant en France, j’ai fait un pari.
Et si je me laissais une fois de plus porter par les vents?
Et si je faisais, une fois de plus, confiance en la vie?
Serait-ce folie que de suivre mon cœur?

J’ai renouvelé mes voeux de joie simple, sans raison.

Sauf qu’ici, maintenant, je suis fatiguée. La joie simple m’échappe. Et je suis encombrée de doutes. Trois semaines après mon arrivée, je me sens en détresse, à côté de ma vie. J’ai l’impression de ne pas bien faire. Que ce voyage ne fait pas de sens. D’être irresponsable. Je voulais m’offrir ces modules de formation Circlesong et j’ai foncé sans prendre en compte mes nouveaux besoins de stabilité et d’ancrage. D’un temporaire à un autre, ça me fatigue.

“Est-ce qu’il y a quoi que ce soit d’autre que du temporaire?”

Oui d’accord je t’entends, Voix de l’Impermanence. Tout est temporaire, tout est temporaire… Alors donne-moi du temporaire plus long! Répit. Laisse-moi m’agripper un peu aux lieux que je traverse, y atterrir un peu.

Je me suis brûlé les ailes avec autant de déplacements, en voulant en faire autant. Vouloir faire le tour du monde en ayant en même temps cette forte envie contradictoire de me poser.



29 octobre 2024 – J27

June repart aujourd’hui. Jeanne ne peut pas m’accueillir. Les portes familières du passé restent closes. Puissé-je accepter cette bénédiction.

Dans cet espace de précarité et de transition, je sens avec intensité la charge de stress que je porte dans mon corps. J’étais habituée à ça avant. Quelque chose en moi a changé. La trentaine? Le décès de mon père? Ou simplement, peut-être que le mode survie ne me convient plus, mais que je n’ai pas encore appris très clairement à vivre autrement.

Quoi de mieux que ce terreau fertile pour commencer ce jeûne de 48 heures que je me suis promis de faire le mois passé?

Quelques heures avant de quitter le lieu où nous avons été hébergées, June m’annonce :

“Sophie! J’ai trouvé quelque chose pour toi. Un appart à Saorge! Tu seras bien là-bas, juste en haut du Pountin!”




Aujourd’hui, je suis celle qui a décidé de rester.
Celle qui accepte l’aide amie
,
Celle qui trouve un logement temporaire.
Ni cadeau ni abusivement cher.

Je suis celle qui, posée au soleil, se demande encore où se mettre.
Celle qui de son perchoir écoute le vent chanter sa solitude et regarde les voitures aller et partir.

Je suis celle qui ne sait pas quoi faire, celle qui cherche, cherche.
Celle qui se dit qu’elle n’y arrive pas, qu’elle est à côté de sa vie. Celle qui a besoin d’un gros bain d’amour.

Je suis celle qui reçoit le soleil, perchée entre mes désastres et ma vie. Je suis celle qui parle des désastres comme s’ils étaient un moment à part alors qu’ils en font part-ie.

Je suis celle qui a besoin de rire et d’être câlinée, alors je suis celle qui ouvre ses pores au soleil et se laisse caresser par la brise, en ligne directe avec la Roya, au creux des rochers je me laisse bercer.





Le soir, après un cercle de chant à Saorge…

Je pars dans le village à la recherche de l’appartement que June m’a aidée à trouver et que je me suis offert pour la semaine. Un petit luxe pour moi, sachant que mes règles arrivent, et je veux être confortable. Paraît-il que c’est une superbe opportunité, dans le village de Saorge, un endroit qu’on me loue à un prix spécial.

Il fait noir nuit, j’arrive devant Lou Pountin, le bar du village. Je n’ai pas l’adresse. On m’a dit : “Juste à côté du Pountin, tu vas voir! Il y a une rambarde en bois, des escaliers, une porte…”

Oui sauf que des escaliers et une porte il y en a au moins deux ou trois…

Après un ballet Whatsappien de photos et de messages vocaux, d’entrée par infraction dans plusieurs logements qui n’étaient pas barrés, je finis par trouver le lieu. Je gravis les quelques marches jusqu’à la porte d’entrée et tourne la poignée, pleine d’espoir.




Je posse la porte qui frotte sur le carrelage et franchis le seuil,
Mon estomac tombe dans mes talons. “Enfin mon chez-moi!
Mon fantasme sort par mes pieds et s’éfouerre sur le carrelage froid. Je me contemple dans sa flaque, la mort dans l’âme.

L’appartement est tout aussi déçu que moi. “Encore une visiteuse temporaire. Ce n’est pas elle qui fera pousser une plante ici.

Son âme en grève attend que quelqu’un y habite pour de vrai. Et moi, je lui rends son désarroi. Je ne me sens pas bien ici et n’ai qu’une envie: partir! Ou pleurer.

Nous voilà, deux solitudes, l’appartement et moi, à rêver de ces lieux où les humains laissent battre leurs cœurs, des lieux accueillants, chaleureux, vivants.

Es-tu une participante ou une simple visiteuse?

Je me le demande, chaque jour. Rage impuissante. Suis-je ici pour vivre, ou pour simplement errer d’un lieu à l’autre?

Participante ou simple visiteuse?
Comment habiter ces lieux transitoires?

Je ne sais pas trop où me mettre dans cet appart corridor. Moi qui croyais enfin pouvoir me déposer ici…Je ne suis pas au bout de ma peine. Une subtile odeur de mégot émane de la poubelle et embaume l’air que je me répugne à respirer.

Au fond, un miroir immense, recouvert d’un autocollant de brasserie défraîchi me renvoie mon reflet désarçonné, ma peau blanche et mon visage cerné sous la laide LED. C’est moi le fantôme du lieu, en quête de quelque chose de permanent dans un monde d’entre-deux.

Miroir miroir… quessé que je crisse ici?

J’ai envie de dormir, mais mes cellules s’étouffent quand je vois le lit dans la chambre au fond, coincé dans une sorte de cave, bien loin de l’unique fenêtre-balcon.

J’opte pour le clic-clic dans le “salon”, où manifestement, pour le dire poliment, quelqu’un a joui sans qu’on relave les draps depuis. Dédaigneuse mais décidée à faire du mieux que je peux pour prendre soin de la petite fille en moi qui bad trippe, j’installe un autre drap par-dessus et m’allonge en diagonale sur les deux parties du matelas qui ne s’entendent plus. Je m’affaire consciencieusement à ignorer l’inconfort, l’humidité, l’air lourd et mon doute chronique.

Participante ou simple visiteuse?

Combien de chaos encore avant de me poser? Je ressasse, mais quelque chose a changé.
À travers mon désarroi, je sens que quelque chose germe en moi. Une graine qui a enfin trouvé un terreau fertile pour réveiller la vie qui y sommeillait patiemment.

NUIT




Trouve-toit est une mini-série écrite par Sophie Bijjani, qui retrace ses aventures en quête de sens, de repos et de repères dans la vallée de la Roya, en France. À travers ces fragments, Sophie partage les moments de doute, d’émerveillement, et de transition qui ont marqué son voyage, à la fois intérieur et extérieur. Plongez dans ses réflexions sincères, ses observations des lieux et des personnes qu’elle rencontre, et sa quête d’ancrage dans un monde en perpétuel mouvement.

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de Trouve-toit!

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4 Responses

  1. Wow Sophie!
    Jsuis de tout coeur avec toi. Et te suiverai rain or shine☆☆
    Pour voir l.arc en ciel..faut dealer avec la pluie. C.est une vieille louve qui te le dis..
    Je t.aime♡ sois toi
    A suivre…
    Ya une place pour toi partout☆☆

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